mardi 1 janvier 2013



LE SENTIER CATHARE
(DE PORT-LA-NOUVELLE A FOIX)

Ils s’appelaient Raimond, Maraude, Esclarmonde, Guillehme, Belibaste…et ils étaient cathares. D’autres diront « bonshommes », « bonnes dames », « amis de Dieu » » ou « parfaits ». Huit cents ans nous séparent de ces temps troublés où des hommes et des femmes ont accepté le bûcher plutôt que d’abjurer leur foi. C’est dans ces contrées du Sud-Ouest balayées par le cers et l’autan, si éloignées par la langue et la géographie de ce double pouvoir, spirituel et temporel, du royaume de France, que s’est développé un christianisme dissident. C’est contre des rois de France aux prises avec leurs vassaux turbulents, appuyés par des papes et une église en rupture avec le modèle évangélique originel, qu’il faudra résister, jusque dans ces ultimes bastions de pierre accrochés aux nuages : des châteaux-citadelles qui donnent le vertige, des châteaux de montagne, forteresses nées de la roche et du temps, érigées sur leur tertre, motte, pog…! Quoi de plus excitant pour l’esprit que de vouloir marcher dans les pas des cathares ? Mettre ses pas dans les pas de l’histoire, parenthèse hors du temps, abolition du temps, pour plonger par la pensée dans les temps d’autrefois ? Quoi de plus fascinant que de vouloir retrouver les traces matérielles, ruines émouvantes aux profils faméliques, déchiquetés, aux murs troués d’orbites creuses offerts à la flagellation des vents, ou simplement lieux de mémoire, abolition de l’espace ainsi maîtrisé. L’esprit nourri du passé, les yeux repus du paysage, écoute autre chose que soi. On comprend par là-même les raisons de ce « voyage » à la fois proche et lointain. Mais c’est aussi un corps à corps avec soi-même : l’inquiétude de ne pas arriver tant le corps renâcle et au final, l’envie de ne plus pouvoir finir. Chacun retrouve la grande loi des périples difficiles et exaltants : au départ nous avons peur de ne pas arriver, à la fin nous craignons d’arriver, tant la magie du voyage nous a transformés.

Apparemment rien de compliqué dans ce parcours puisque le Conseil général de l’Aude a initié depuis plusieurs années la création d’un « sentier cathare » de Port-la-Nouvelle à Foix, de la méditerranée aux Pyrénées. Cette création avait pour vocation de promouvoir le tourisme dans un département particulièrement déserté : l’Aude. Le chemin s’y développe sur neuf des douze étapes, les trois dernières se déroulant en Ariège, ce département s’étant plus timidement associé au projet. Exploitation commerciale qui ne correspond que partiellement à la réalité historique : les cathares (de catharos : les purs ou encore de « gat » le chat, animal diabolique) après avoir développé leur hérésie au douzième siècle dans des zones très éparses : Wallonie, Rhénanie, Champagne, pays de Loire, où ils furent rapidement résorbés, se sont focalisés dans le Sud de la France, en Occitanie, et plus particulièrement dans les vicomtés de Béziers, Carcassonne, le Comté de Toulouse, de la Gascogne à la Provence, de l’Agenais au Roussillon.

Les zones que nous allons traverser symbolisent plutôt que des foyers de développement du catharisme, la résistance tragique menée dans ces forteresses des Corbières et des Pyrénées ariégeoises, ultimes bastions du mouvement. Ces vingt ans d’une guerre cruelle, mieux une « croisade », eurent un double effet : la plongée du pays dans la désolation, puis son rattachement au domaine royal. Contre cette hérésie, Rome inventa une formidable machine : l’Inquisition qui mit tout de même cent ans, au prix de bûchers, emprisonnements, exactions multiples pour l’éradiquer tout à fait. Autant dire que l’imagination va devoir fonctionner au moins autant que … les jambes. Magie du catharisme assez énigmatique pour fouetter la curiosité et qui, en prime, pimente le tout d’une dramaturgie multiple : récits de sièges, trahisons, rapports féodaux complexes, personnages hors du commun, et pour finir croisade et bûchers tragiques.

Bien sûr nous savons tous que ces châteaux cathares n’ont jamais appartenu aux cathares eux-mêmes dont l’idéal évangélique de dépouillement ne se serait jamais accordé au désir de possession de biens matériels. Pourtant si nous continuons à les désigner comme des châteaux cathares, presque malgré nous, c’est parce que plus ou moins consciemment nous savons que l’histoire de ces châteaux a été marquée par la présence en leur sein, et dans leur environnement immédiat, de ce que l’on a désigné comme l’hérésie cathare, tragique épisode dans la formation de l’unité française. Il est des événements qui sont porteurs d’une charge émotionnelle si forte, si grande, qu’ils sacralisent jusqu’au décor dans lequel ils se sont déroulés. Que serait Montségur sans ces hommes aujourd’hui disparus qui ont lutté pour leur foi avec une telle force que plus de deux cents parmi eux ayant à choisir entre l’abjuration ou la mort la plus atroce sur le bûcher ont volontairement opté pour le témoignage suprême ? Ce ne serait qu’une forteresse parmi d’autres et non ce lieu où de façon irrépressible on se sent ému, étreint jusqu’au plus profond de nous-mêmes. Ils ont osé, ils ont démontré que l’homme pouvait être capable de s’élever jusqu’au sacrifice ultime en transcendant le désir purement animal de richesse, d’honneurs ou de simple survie. A l’arbitraire, à l’intolérance, à la violence, (qu’on se rappelle le « Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens », prêté à l’abbé de Cîteaux, lors de la boucherie de Béziers), à la déchéance, ils ont eu le courage de dire « non ! » Que l’on partage ou non leur doctrine, ils suscitent le respect par le courage qu’ils ont manifesté. Montségur ne sera jamais une forteresse parmi d’autres et si ce château est et reste un château cathare, quel qu’ait été son devenir après l’immonde jugement, c’est parce que le retentissement d’un acte aussi pur dépasse infiniment les perspectives médiocres de tous ceux qui trouvent leur bonheur dans la servilité courtisane à l’égard des puissants de ce monde.

Le sentier est dans l’ensemble parfaitement balisé (disons plutôt re-balisé car l’ancienne signalétique orange et jaune pour d’obscures raisons de fierté « audoise » est aujourd’hui repeinte en jaune et rouge) et les poteaux indiquant les changements de direction sont porteurs d’un étrange logo, noir sur fond blanc, à la symbolique mystérieuse, mais une symbolique associée à la pensée cathare. L’opposition du noir et du blanc évoquerait le dualisme radical des cathares occitans, l’astre se levant sur le pays représenterait le rayonnement de la religion cathare, les traits de soulignement symboliseraient le pays lui-même et les montagnes. Quant à l’incision, elle rappellerait les douloureux événements qui ont marqué l’histoire du pays cathare.
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En douze étapes, pas à pas, le sentier permet de passer par quelques-uns uns des plus beaux châteaux et d’ajouter ainsi quelques montées supplémentaires à des étapes (les premières surtout) particulièrement longues). Ne cherchez pas les tours opérateurs proposant cet itinéraire : trop long, trop cher, décourageant, par sa longueur, dans la première partie du parcours. Les agences de tourisme misent sur un « zapping » utilisant la voiture autant que la marche. Une autre façon de « faire », comme disent les touristes pressés, les châteaux cathares. A chacun sa manière : en deux jours en voiture, en VTT ou à cheval (comme Matteus et Pierre Bonnet qui, du 23 au 31 décembre 1244, auraient évacué de Montségur le premier trésor cathare jusqu’à la mer).

Ce périple, inversant le parcours de Matteus et Pierre, commence dans le grand vent de l’Aude, au milieu des vignes bourgeonnantes. Il se présentera, tout au long du parcours, comme un affrontement permanent avec les éléments. Pour ajouter à la rudesse des paysages, la météo nous dévoile ses multiples facettes : vent violent des Corbières à décorner un boeuf et où il est même difficile de trouver un refuge à l’abri de quelques haies de cyprès, au ras des vignes, pluie et boue dès le Fenouillèdes où les capes s’avèrent illusoires sous toute l’eau du ciel, glaise du sentier qui colle aux semelles. On comprend vite que toute velléité de résistance est inutile. On essaye surtout de ne pas y laisser une chaussure. Que sont vertes les prairies du Quercob et sombres les forêts d’Olmes ! Les Dieux sont joueurs. Ils ont aussi prévu la neige et le vent sur le grand plateau du Languerail et même du ciel bleu sur Montségur et Roquefixade. Mais dans leur mansuétude infinie ils nous ont épargné les tremblements de terre, les sauterelles et les éruptions volcaniques !

Au jour douze, à Foix, sous un déluge tiède, après quelques trois cents kilomètres de terrains variés, dos meurtri, muscles raidis, pieds douloureux, corps qui cent fois renâcle, nous voici au bout de la route. Rêve abouti et l’on pense déjà à suivre vers l’Espagne le chemin des derniers hérétiques persécutés. Incorrigibles marcheurs qui, encore pleins de leurs meurtrissures, les corps battus, en redemandent ! Masochisme morbide ou dépassement de soi dans un effort continu seul capable d’ouvrir à une autre vision du monde et de soi-même ?

Remarque : on trouve un exposé un peu plus précis de l’histoire, la pensée, la religion et l’idéal cathares à partir de la page 16.

Les Etapes
La longueur des étapes est celle donnée par le guide. Elle n’est qu’indicative car il faudrait y ajouter les trajets, parfois non négligeables, effectués pour la visite des châteaux, ainsi que quelques modifications de tracé depuis la rédaction du guide et des déplacements supplémentaires pour accéder à certains gîtes ou pour rejoindre des épiceries dans des villages que le sentier évite. La durée de chacune des étapes est à apprécier en fonction des possibilités du randonneur : sa forme, ses aptitudes à progresser rapidement sur terrain plat ou boueux, sa charge, son âge…Nous avons toujours mis plus de temps que ceux indiqués dans le guide et le découpage en douze jours nous a paru très adapté, car il permet de visiter tranquillement les châteaux rencontrés sur le parcours.

On parvient à un total arithmétique de deux cent cinquante deux kilomètres. Mais en incluant les distances non comptabilisées par le guide, on peut estimer, sans exagération, à environ trois cents kilomètres la distance réellement parcourue entre Port-La-Nouvelle et Foix, soit une moyenne de vingt-cinq kilomètres par jour.

ETAPES TRAJET EFFECTUE KILOMETRES
1 Port-La-Nouvelle – Durban-Corbières 29
2 Durban-Corbières – Tuchan 25,5
3 Tuchan – Duilhac-sous-Peyrepertuse 24
4 Duilhac-sous-Peyrepertuse – Prugnanes 17,5
5 Prugnanes – Aigues-Bonnes 15
6 Aigues-Bonnes – Marsa (Labeau) 26,5
7 Marsa (Labeau) – Puivert 27,5
8 Puivert – Belvis 17
9 Belvis – Comus 20,5
10 Comus – Montségur 14,5
4
11 Montségur – Roquefixade 16,5
12 Roquefixade – Foix 18,5

Bilan Port-La-Nouvelle – Foix 252

Corbières
C’est à l’hôtel que nous avons rencontré Pierre, randonneur assez fou pour entreprendre le sentier cathare « hors-saison », du 11 au 22 avril 2004, à ce moment de l’année où les personnes sensées préfèrent vaquer à des loisirs plus pacifiques, car le beau temps n’est jamais assuré. Nous serons donc trois à partir en même temps de Port-La-Nouvelle pour un périple de douze jours et nous nous retrouverons tous les soirs à l’étape (généralement au seul gîte ouvert). Il sera notre unique compagnon de voyage et certains jours il sera même la seule personne avec qui nous communiquerons car nous avons parfois parcouru des espaces oubliés de Dieu et des hommes ! Habitué des chemins de St Jacques de Compostelle, Pierre a acquis une grande efficacité dans la marche en terrain plat et il nous a à peu près constamment précédés à l’auberge du soir.

Levé 6h30, petit-déjeuner 7H00, départ 7H10. Je laisse derrière moi, sans regret excessif, l’inesthétique « marina » de Port-La-Nouvelle. La localité, à l’embouchure de l’étang de Bagès-Sigean, s’est fait une place au bord de mer, entre le port de pêche encore actif et les hautes garrigues odoriférantes. Les constructions disgracieuses ont enlaidi un site naturel sauvage marqué par la rencontre de la mer et des étangs.
Le départ est  fixé dans le guide à la Gare SNCF. Je m’y rends. A la suite, je traverse Port-la nouvelle pour rejoindre rapidement la voie rapide à l'Ouest (D709 – 1.9 km). Je file à droite pour la remonter un peu et au premier rond-point je débusque un chemin qui monte en face : en fait, une piste de carrière dite le chemin de la Combe des Buis. Le sentier s’élève rapidement pendant une quinzaine de minutes. C’est l’endroit où les Corbières se jettent dans la mer et livrent de magnifiques panoramas. J’apprivoise le terrain : cistes et romarins, thym et asphodèles, quelques rares bouquets de pins, le tout dans un grand vent.

Puis, c'est une piste caillouteuse quasiment à plat avec de la garrigue mi-haute de chaque coté. Au bout d'un moment j'entends les éoliennes mais sans les voir. Il faut que je passe devant pour enfin les distinguer, semblables à de grands oiseaux blancs, au garde à vous face au cers. Légèrement après, juste en descendant, il y a une intersection. C'est la première différence entre le balisage du terrain qui part à gauche et de la Carte IGN qui part à droite. Je prends à gauche pour rejoindre peu après une métairie en ruine (5.5 km) puis la piste remonte un peu. On passe progressivement dans une végétation de pins. La piste continue ainsi pour arriver à la N9  (9.5 km – restaurant Chez Le Suisse à gauche) que je traverse. Un chemin file ensuite le long des vignes pour arriver à Roquefort des Corbières vers 9H30. Petit ravitaillement en eau au village (11.4 km). La transition est finalement rapide entre le littoral et ces Corbières orientales aux coteaux couverts de vignobles. Pas de trace ici de catharisme. Roquefort les Corbières, niché au creux d’une petite falaise calcaire que domine l’ombre du cône tronqué d’un ancien moulin, est un de ces gros bourgs viticoles qui offrent à l’extérieur d’immenses porches en voûtes hautes qu’on imagine aisément ouvertes aux charrettes.

Il faut traverser le village en le remontant (remonter rue des Trois Moulins puis à l’Y emprunter à droite le Camin des Bosc et le chemin de la Trillole et continuer sur la route goudronnée qui se rétrécit en traversant de nouveaux champs de vignes à l'Ouest. Au bout d'un moment elle se transforme en piste et ça grimpe raide pendant 15 minutes pour rejoindre un plateau calcaire (14.8 km). On arrive alors au dessus d'une combe au fond de laquelle il y a 2 champs de vigne et une vielle maison en pierres. Le chemin descend par la droite pour contourner la combe puis remonte raide sur le versant opposé. Au bout d'une vingtaine de minutes ça débouche sur un vaste plateau avec de la végétation basse et quelques arbustes épars (Pla des Courbines – 16.5 km). La piste est plutôt caillouteuse. J'atteints alors une forêt de cèdres que je traverse pendant 5 minutes. Ensuite le chemin remonte légèrement et après un replat je débouche sur la D205 (19.6 km). Une nouvelle piste en béton cette fois grimpe tout droit en face et redevient caillouteuse au sommet. Je file alors quasiment tout droit. Il y a de nombreux postes de gué de chasseurs (petites plateformes en bois de 3 mètres de haut). Après un virage à droite (21.8 km), il faut quitter la piste pour un sentier qui file à gauche et qui serpente dans la garrigue haute. Ca grimpe alors jusqu'à arriver sur le haut d'une petite falaise (Courtalisse – 22.5 km). Je descends alors dans un chemin caillouteux pour atteindre les vignes puis une ferme (Mandourelle – intersection D50 – 24.0 km).

De là ça file tout droit le long des champs et au bout ça remonte raide pour atteindre un beau point de vue.(Crête de Miraille – 25.9 km) Sans la brume on doit voir la mer. Le chemin continue à grimper jusqu'à ce que j'aperçoive Durban à 2 km environ. Le chemin redescend dans la terre et les cailloux puis longe des vignes. J'atteints une piste puis la D611 à 14H00. Je fais ensuite mon entrée au village de Durban Corbières. Pas âme qui vive : le château en ruines au sommet de sa motte veille sur le vieux village. Un hôtelier bougon et peu accommodant fournit le « minimum syndical » de la convivialité mais un repas de qualité. On lui pardonne.






Le lendemain l’étape est presque aussi longue (vingt-six kilomètres) mais le trajet est accidenté : un relief tourmenté, repaire de sangliers, paysage de collines où alternent vignes et maquis aux bruyères arborescentes en fleurs, chênes verts, genévriers de Phénicie, cades et chênes kermès. Les montées raides sont des chemins tracés sans génie, tout droit dans la rocaille, ravinés et souvent peu visibles. Quand les cyprès s’en mêlent la nature nous joue un petit air de toscane ! Chemin des vins ou route des vents ? Longue cette étape pour nos pieds meurtris, trop de route ou de chemins carrossables, trop de plat.

Pourtant on a aimé particulièrement la forêt domaniale touffue composée d’essences méditerranéennes qui rappellent les Maures et l’Esterel. On a également apprécié les ruines rencontrées, les modestes bergeries comme les premiers châteaux : Nouvelle et son donjon carré, lézardé et rongé par la végétation, miné comme dit le guide, Domneuve et enfin Aguilar que l’on voit sans l’atteindre, si loin, se découpant si sombre sur le ciel, si attirant que l’on se morfond de ne pas y accéder immédiatement. Aguilar sera le plus lumineux souvenir de ces Corbières. Inabordable par le sud, bordé de ravins à l’ouest, le château bloque l’accès aux Corbières centrales. Il devait tout à la fois surveiller la « frontière », commander l’accès au Roussillon, et protéger Carcassonne. Les ruines sont d’une grande beauté au soleil couchant. Ce soir nous dormirons à Tuchan, gros village de vignerons où fleurissent les appellations AOC des Corbières.

Comment ignorer la vigne et l’olivier depuis notre départ ? Fer forgé du clocher aux cloches apparentes, village-rue aux nombreuses fenêtres closes. La plupart des maisons ne sont occupées par leurs propriétaires qu’aux périodes de vacances et certaines vendues à des étrangers. Où sont donc les authentiques Audois ? Dans les faubourgs de Carcassonne ou de Narbonne sans doute. « L’hostellerie » qui nous héberge, faute de place au gîte d’Aguilar, n’aime pas trop la clientèle « sac à dos ». Nous voilà relégués dans une chambre minuscule. Mais quelle aubaine au terme de ce deuxième jour, bien long encore. Le guide invitait les randonneurs peu entraînés, « étant donné la difficulté des deux premières étapes », à commencer le parcours à Tuchan » : bon conseil pour tous ceux qui ne font pas un point d’honneur à réaliser « l’intégrale » ! Mais recommandation défaitiste pour tous ceux qui aiment aller jusqu’au bout de leurs projets et de leurs actes !

Un vent violent nous accompagne au départ de Tuchan et de cette troisième étape. Pour rejoindre Padern il faut franchir le « grau » qui marque la limite méridionale du Tauch, un étroit défilé sous le mont qu’entame la Verdouble. Le sentier se faufile entre vignes et garrigues surplombées de belles falaises calcaires. A pied et par grand vent, comme aujourd’hui, il est bon d’avoir le pied sûr (et un sac à dos un peu lourd !), au passage du grau, à flanc de ravin. Le village-rue est, selon une configuration propre à la région, niché au pied des ruines imposantes mais fort branlantes de ce château des « vents ». Bien que reconstruit au dix-septième siècle le château a été lourdement démantelé pour fournir les pierres de construction à la très belle mairie restaurée. L’église a un petit air pimpant dans ses « pierres » nouvellement blanchies.

Toujours ce sacré vent violent et froid soufflant par bourrasques inattendues, imprévisibles, qui nous accompagne jusqu’au petit prieuré de Mohlet. On y fait halte face au mur d’abside ocre au si joli décor d’arcatures. Un moment rare, de ceux que la mémoire longtemps retient. Nous ne sommes là qu’à mi-parcours de l’étape prévue pour la journée et nous mesurons que la marche, certes, c’est d’abord le travail des pieds mais dans un deuxième temps, lorsque ceux-ci ne cessent de se plaindre, nous comprenons que marcher c’est non seulement solliciter tout le corps, mais bien plus encore, l’esprit. Sentir, éprouver, entendre, expérience sensorielle parfois délicieuse, parfois douloureuse.

Quéribus est depuis un moment dans la ligne de mire tel un « dé posé sur un doigt ». Perché au sommet d’un impressionnant piton rocheux, verrouillant les Corbières, si haut que la tête tourne et le coeur se vide. Site de défense sur la frontière franco-aragonaise, refuge des derniers cathares, fort trapu et farouche, enveloppé de vents, piège ou refuge, le château fascine. Le vent souffle avec tant de violence qu’il faut littéralement s’accrocher aux portes pour pénétrer la première des trois enceintes de cette forteresse aérienne et imposante. Comme la plupart des châteaux « cathares », la majeure partie des bâtiments est le fait des « Français » qui, après avoir vaincu l’hérésie occitane, agrandirent et réutilisèrent ces forteresses pour la défense des « marches » du royaume. Escaliers étroits, donjon impressionnant, citernes, meurtrières, tout est conçu pour résister à un siège et aux projectiles de catapultes royales. Tout nous ramène à ces temps troublés, même si aucun document écrit ne nous renseigne sur le destin de la communauté cathare et de la garnison de Quéribus.

De Quéribus à Cucugnan nous devons nous plier au relief, bien facétieux, qui par des voies escarpées et glissantes, redescend dans la vallée. Le sentier est tracé un peu en dépit du bon sens, mal balisé et bien raide et il ne doit pas être aisé par temps de pluie. Il procure cependant de belles vues sur les toits rouges de Cucugnan et, au-delà, sur la citadelle impressionnante de Peyrepertuse en majesté sur son étrave rocheuse. Au milieu du maquis puis des vignes, le sentier trace son chemin. Les Cucugnanais ont transformé leur village en un décor un peu kitch qui exploite habilement une notoriété reposant à la fois sur le fameux conte du moulin de Daudet et le théâtre Achille Mir qui présente toutes les demi-heures le « sermon du curé de Cucugnan », où le bon curé cherche désespérément les âmes de ses ouailles du paradis au purgatoire. Le moulin est trop beau pour être honnête, cafés, restaurants, hôtels, autant de « pièges à touristes ». Triste de voir ces villages perdre leur âme et n’offrir plus qu’un décor carte-postale ! La désertification a vidé les campagnes, les villages ont perdu leurs commerces, leur école et les Cucugnanais sont devenus des objets de curiosité, contraints pour leur ravitaillement de dépendre de l’épicerie ambulante, ou d’aller en voiture fréquenter les…supermarchés. Le phénomène n’est pas spécifique à l’Aude. Il est visible dans toute la « France profonde ». On a souvent sauvegardé le patrimoine immobilier, mais en lui ôtant son âme. Dommage !

Nous sommes presque contents de devoir pousser jusqu’à Duihlac bien qu’il faille progresser partie sur le goudron, partie entre les vignes car notre hôte, le propriétaire du gîte de la Bergerie de Bugamus nous a proposé de venir nous chercher à Duihlac. Heureuse initiative le gîte étant encore à plus de trois kilomètres du village. Or, compte tenu de nos modestes performances, c’était à coup sûr une heure de marche de plus dans une journée déjà bien remplie : vingt-six kilomètres et deux châteaux ! Nous voici transportés dans les temps anciens : grande pièce unique où notre hôte fait griller sur l’âtre les beaux morceaux de mouton. C’est un chaleureux bric-à-brac rustique, inachevé, un de ces endroits que l’on n’oublie pas, perdu dans la nature. On mange dos au feu, comme à la maison. On bavarde tard autour de la grande table avec l’ex-steward et berger, éleveur de moutons puis de vaches, reconverti dans la « table d’hôte ». Max le chien de berger a une bonne tête lui aussi. Une bonne soirée qui nous éloigne un peu des tracasseries de notre corps.

De Corbières en Fenouillèdes
Au matin, la montée est rude jusqu’à Peyrepertuse (Petra pertusa ou pierre percée).

C’est deux bonnes heures que nécessitent l’accès et la visite au château. Citadelle du vertige, « Carcassonne céleste » selon Roquemaure, les vestiges dominent du haut du Roc San Jordy, le village de Duihlac. Défi aérien, château impressionnant, imprenable, à l’allure d’un vaisseau de pierres. Le temps couvert ajoute à l’atmosphère pesante, voilant les grandes falaises blanches : harmonieuse fusion de la roche et de la pierre de construction sur plus de trois cents mètres. Vénérable, fier, majestueux, tout de violence contenue, le château de Peyrepertuse ne laisse pas indifférent. Il semble défier les âges, incarner l’intemporel face aux passions éphémères. Par temps clair on verrait, dit-on, jusqu’à la mer qui brille alors tout au bout de la plaine du Roussillon.

Pour rejoindre l’impressionnant canyon de l’Agly et les gorges de Galamus où se niche l’ermitage Saint-Antoine, c’est un beau parcours très sauvage, accidenté, à travers des zones généreusement boisées de chênes, houx, buis, où sur un plat herbeux des veaux pacifiques ajoutent une note insolite. Aubrac ou gasconne ? Plutôt Aubrac par la robe claire, mais nos connaissances en la matière restent encore bien limitées ! Le temps bruineux va s’installer jusqu’à Prugnanes obligeant à sortir les capes de pluie et assombrissant cette belle région calcaire des gorges de Galamus et du Fenouillèdes. Nous nous consolons avec la spécialité locale des croquants de Saint Paul en Fenouillèdes. Notre choix d’itinéraire s’est porté sur ce que le guide appelle « la grande variante sud ». Certes cet itinéraire évite le massif de Bugarach. Mais il permet de quitter plus vite les Corbières et le Fenouillèdes et d’accéder au piedmont pyrénéen. Il a surtout pour intérêt de relier un maximum de châteaux.

La petite localité de Prugnanes, terme de cette première étape de la variante sud, serait plaisante si n’etaient d’inesthétiques constructions neuves qui, hélas, n’embellissent guère l’endroit. Le confort du gîte et une soirée conviviale avec Pierre et un groupe de « Terre d’Aventures », accompagné d’un jeune guide ouvert et peu sectaire, terminent cette belle journée.

La transition géographique s’opère aujourd’hui par le grand franchissement de la barre calcaire du Fenouillèdes, passage de l’Aude aux Pyrénées, pas tout à fait l’Ariège mais déjà à l’écart de l’influence méditerranéenne. Le temps nous le rappelle : plus frais, plus instable dès Caudiès, aux belles maisons anciennes à colombages, gros bourg viticole. Si le paysage indéniablement n’a rien de monotone, on peut toutefois regretter le cheminement sur de larges pistes forestières nivelées ou sur le goudron qu’il faut subir parfois sur de larges portions. On pardonne au sentier ces passages « obligés » car la belle remontée, depuis Notre-Dame de Laval, des gorges de San Jaume où fleurissent, dans l’humidité du lit du cours d’eau, coucous et violettes, réserve de bien jolis points de vue.

L’étape plutôt courte (donnée pour quinze kilomètres) permet de flâner davantage : courses à Caudiès, déjeuner à l’ermitage de Notre-Dame de Laval, sieste face aux deux belles ruines des châteaux qui encadrent le petit village de Fenouillet : Castel Sabordas et Château St-Pierre. De hameau fort désert en hameau déserté, c’est une belle montée dans un paysage de montagne qui va nous amener au gîte d’Aigues-Bonnes. Nous voilà bien en marge des Pyrénées. La forêt a chassé la vigne, la pluie a remplacé le vent, la glaise le calcaire. Les odeurs ne sont plus les mêmes : odeurs de terre mouillée contre odeurs de garrigue. Le gîte à la ferme offre bonne table, accueil chaleureux et solitude, tout ce que l’on aime. Merci à nos hôtes de cette soirée conviviale en compagnie de Pierre qui, plus fringuant que nous, croque sans relâche au détour des chemins.

De Fenouillèdes en « Pays de Sault »
De tous les châteaux visités Puylaurens, château des Fenouillèdes, est certainement un de ceux qui se « mérite » le plus et celui qui a conservé le plus de structures intactes. En ce matin pluvieux toute velléité de lutter contre les éléments est inutile. Toute l’eau du ciel nous tombe sur la tête, un déluge liquide qui rend bien illusoire la protection de nos capes de pluie. La piste traverse de profondes forêts et c’est dans une atmosphère humide et ouatée, où quelques vaches fantomatiques émergent de la brume, que nous plongeons vers Lapradelle endormi au pied du château de Puylaurens. L’itinéraire d’accès à travers une épaisse forêt agrémentée d’un parcours botanique manque quelque peu de subtilité. Droit dans la pente jusqu’au fantastique escalier conduisant, par quelques chicanes protégeant la porte d’entrée, à la cour centrale. Elles permettaient aux gardes de prendre leur temps pour bombarder commodément les importuns. Noyée dans la brume la cour intérieure réserve d’étonnants aperçus sur le donjon, ajoutant au fantastique et au mystérieux du lieu. Un conduit « porte-voix » dans la tour de la Dame Blanche, interphone médiéval, facilitait la communication. Puylaurens fait partie de ces cinq châteaux royaux qui assuraient la protection de la frontière avec le royaume d’Aragon Catalogne, puis avec l’Espagne. Leur importance stratégique déclina après la paix des Pyrénées (1656). Le château de Puylaurens a aussi servi de refuge à quelques cathares, parfaits de passage, peu après la reddition de Montségur (1244) . Sa reddition, dit Roquebert, « se perd dans l’oubli total ».
Arrachée à ses défenseurs, cette redoutable forteresse passe aux mains de Saint-Louis, sans doute en même temps que Quéribus en 1255.

Nous savons l’étape longue (plus de vingt-sept kilomètres). Rien ne semble devoir changer une météo décourageante. Labeau apparaît comme une terre promise bien improbable. La cape rouge de Pierre qui nous précède est un minuscule repère sur cette piste forestière interminable, silhouette fantomatique. A travers le rideau de pluie et de brume on voit à peine à quelques centaines de mètres et l’eau s’infiltre insidieusement, mais sûrement, en suivant le chemin de la plus grande pente : le dos. Nous laisserons à regret, sans trop nous attarder, les belles petites églises hélas fermées de Cailla, de Marsa et d’Axat. Nous retiendrons une petite halte où toute tentative de se sentir au sec se révèle inutile. Le village est désert dans la partie haute. La saison touristique n’est pas encore commencée, tant s’en faut. Lorsque le guide annonce « joli sentier ombragé…passer entre deux clôtures et marcher sur le chemin souvent défoncé par le bétail », on se plaît à imaginer quelque campagne bucolique. Nous allons connaître là un moment d’anthologie, sous les regards de quelques « gasconnes » goguenardes aux grandes cornes et aux yeux moqueurs. La pluie a rendu le terrain piétiné par le bétail aussi cauchemardesque que devait l’être le marmitage à Verdun. Notre seul souci est d’éviter de laisser une chaussure dans cette glaise collante et épaisse, entremêlée de bouse de vache, dont l’effet ventouse est redoutable. Nous pataugeons dans la boue pendant des heures et nous nous demandons parfois de quels terribles péchés les Dieux ont voulu nous punir. Revient alors, comme si souvent en situation délicate, le trop connu « que venais-je donc faire dans cette galère ? ».

Finalement le plus aisé se révèlera de marcher dans le torrent liquide qui suit la ligne de plus grande pente et qui dégage les pierres et tant pis si les pieds sont noyés.

Depuis ce matin, il aura fallu huit heures pour gagner Labeau sous cette pluie diluvienne. Ce petit hameau s’atteint encore à la force du jarret fatigué, puisque trois kilomètres supplémentaires de montée séparent le gîte du village de Marsa où la vieille commère, n’en croyant pas ses yeux (comment peut-on randonner par des temps pareils ?), est venue nous faire la causette, ébahie de nous voir dans un tel état. Son regard trahit sa pensée profonde, son constat désespéré : « Tous les jours il y a des fêlés qui se lèvent ».Elle incarne à elle seule l’image d’un monde rural vieilli et en voie de disparition, tandis que la vague écologiste de l’utopie communautaire des anciens hippies est aujourd’hui remplacée par un repli, vers ces régions désertées, de jeunes couples « RMistes ». C’est nettement moins folklorique. Le chômage « salarié » ne produit pas les mêmes effets que la fabrication du fromage de chèvre…par des rêveurs déphasés. L’idéal utopique d’un retour à la nature a vécu. Il ne reste plus que la préoccupation de la survie dans un système d’assistance collective.

Pierre a choisi l’option tout terrain pour monter à Labeau, se risquant à traverser à gué le torrent et assurant ainsi une élimination radicale mais éphémère de la boue qui adhère aux chaussures et aux vêtements ! Nous préférons suivre la petite route goudronnée. Au gîte l’accueil est frais. Manifestement le propriétaire n’est guère empressé à nous recevoir : l’homme a l’air débordé, l’accueil est plutôt rustre. Le dortoir est glacial et la cheminée éteinte. Nous sentons poindre le découragement. Finalement, avec Pierre qui est arrivé avant nous, nous allons entreprendre d’allumer le feu dans la cheminée qui verra sécher toute notre garde-robe. Nous décidons, pour avoir plus chaud, de partager le dortoir où un maigre radiateur est supposé donner un peu de chaleur. Les muscles se détendent, l’atmosphère aussi autour d’un abondant apéritif local et notre hôte enfin amadoué se révèlera plus causant. Post soixante-huitard, reconverti dans l’élevage de chèvres, vaches, chevaux, puis l’accueil de touristes, l’homme est fatigué et… seul, ayant fini par décourager sa dernière compagne.

L’entrée en Quercob
Le temps aujourd’hui pousserait tout randonneur sensé à préférer le relatif confort du gîte à la pluie qui menace. Et pourtant le « Quercob », la « Terre privilégiée », et Puivert nous attendent. Château des troubadours le château de Puivert fut aussi celui des cathares. L’étape n’est pas négligeable (vingt-huit kilomètres). Le temps totalement couvert nous réserve le pire. D’autant qu’il s’agit de franchir ces hautes terres qui dépassent mille mètres, une moyenne montagne certes, mais sauvage, parcourue de belles pistes forestières, mêlant sapins, pins, buis géants, genévriers et où nous nous attendons à voir surgir chevreuils et sangliers étant donné le nombre de laisses observées. Pierre, en avant et silencieux, aura cette chance d’apercevoir des chevreuils. Quant à nous seul un gros blaireau croisera aujourd’hui notre route. C’est le territoire des blondes aubrac, belles gasconnes, petites et nerveuses, très cornues, brebis, chevaux en « extensif » dont les propriétaires, isolés dans des hameaux déserts, sont rarement sur le terrain clos un peu partout. Pourquoi faut-il que l’itinéraire nous fasse redescendre à Marsa pour remonter sur Quirbajou dans des terrains glissants, alors qu’il eût été si simple de suivre la piste cavalière à partir de Labeau ?

Le parcours est long, sauvage, et il réserve de belles échappées sur les sommets pyrénéens encore très enneigés. Il fait huit degrés. La nature est belle, à peine renaissante, ce que confirment les chants d’oiseaux. L’hiver fait sentir ses dernières morsures. Aux dires des anciens avant le 12 mai et la fin des « Saints de glace » tout est possible ! Que n’aurions du écouter la sagesse populaire ! Des sous-bois denses de sapins on s’attend à voir surgir les grands cerfs. Au sortir de la forêt le hameau de Coudons nous apparaît comme la terre promise. Hélas ! Le café-restaurant de Coudons est victime de l’Europe ! Pour ne pas s’être mis aux normes, car ils ont jugé qu’à leur âge les frais de remise aux normes ne pouvaient être amortis, les vieux propriétaires ne sont plus autorisés à servir des repas. Eux qui pourtant, comme ils le clament, n’ont jamais empoisonné quiconque au cours de plusieurs dizaines d’années de restauration, sont bien réticents à servir… même un chocolat, de peur d’être accusés de continuer à pratiquer la restauration. Nos ventres vides devront attendre encore un peu un hypothétique restaurant dans ces villages fantômes.

Le petit hameau de la Fage marque l’entrée dans le Quercob sans que l’on puisse encore distinguer le château de Puivert. De belles barres calcaires dominent une vaste dépression quadrillée de champs cultivés, du plus beau vert prairie, entrecoupés de rectangles rouges fraîchement labourés. Comme cette petite enclave argileuse sur le bord de l’Hers devait apparaître douce aux rudes chevaliers ! Un ancien lac en occupait alors le fond. On comprend pourquoi Puivert, ligne de défense du royaume de France face à l’Aragon, fut non seulement un « mirador de pierres » mais aussi le rendez-vous des troubadours du Roussillon et de la Provence, un château de « plaine » où l’on composait « au son des cornemuses, rebec, viole, tambourin, vielle et psaltérion, tout en jouant et en riant ». Château de défense mais plus encore château de plaisance. On se plaît à imaginer la grande cour carrée où le cavalier entrait par la grande porte, lance haute, théâtre de joutes viriles pour l’amour des dames. Le château dégage un tel charme médiéval qu’il a servi de décor à quelques films célèbres, comme « La neuvième porte » de Polanski séduit par l’atmosphère du lieu. « Grand seigneur », Polanski laissera tout le matériel et des échafaudages bien utiles au propriétaire pour assurer les travaux de restauration toujours en cours. On peut regretter que, château privé, l’entretien et la réfection soient compromis par d’obscurs conflits de personnes entre le propriétaire, le maire de Puivert et les monuments historiques.

Rejoindre Puivert c’est d’abord traverser cette grande dépression du Quercob, en longer un côté à travers un karst où alternent chênes et arbustes clairsemés. On joue à saute-cailloux et saute-ornières sur une piste bordée de belles jonquilles sauvages et orchidées violettes. Au loin émergent les quatre tours carrées du château. Etant donné l’heure tardive, nous remettons la visite à demain, tout en câlinant au passage un énorme « Patou » qui n’a pas hésité une seconde à se laisser caresser. A croire que les chiens « Patou » ne sont agressifs avec les humains que lorsqu’ils sont élevés par des bergers installés dans les Alpes Maritimes. Dans les Pyrénées ils semblent distinguer sans difficulté un bipède d’un loup. Chez nous ils agressent les randonneurs et laissent les loups dévorer les troupeaux !

A Puivert, joli village ramassé autour de sa halle et le long de la rivière, le gîte des Marionnettes offre le « gîte » mais pas le couvert. Ce soir les hôtes font relâche. La saison n’a pas l’air vraiment entamée et le touriste a souvent l’impression de déranger la vie privée des hôteliers. Nous aurons l’occasion de constater en d’autres régions de France que les mentalités sont en tous points identiques. Effet des trente cinq heures et de la RTT ? Loi du moindre effort ? On ne court ni après le touriste, ni après les heures supplémentaires. De quoi réviser son jugement sur le secteur privé qui se prétend si dynamique et professionnel face à une fonction publique traditionnellement jugée comme un repaire de fainéants !

Sur les routes …de Belvis : du Quercob au Pays de Sault
Difficile en France de marcher sans rencontrer l’histoire. Changement de décor. A l’entrée du plateau de Sault l’altitude avoisine les mille mètres et l’air fleure bon la montagne. Depuis le fond de la cuvette, le chemin s’élève régulièrement, égrenant quelques villages aux noms qui rappellent des souvenirs anciens de colonisation militaire : Campgast, Campserdon…L’ombre de la Dame Blanche, que la légende rend responsable de la disparition du lac recouvrant autrefois la plaine, pèse sur la cuvette et la pluie nous rattrape. Hélas pas de changement de temps : la journée n’a pu être sèche dans ces forêts profondes de Lescale et Picaussel. Il est aisé d’imaginer combien les lieux étaient propices aux résistants de cet imposant maquis. Lescale, modeste hameau, rasé par les Allemands, garde la mémoire de la résistance audoise. Le maquis bénéficiait du soutien des populations locales et de l’aide secrète des gendarmes de Quillan, Chalabre et Espezel. La « cabane » émouvante garde le souvenir de ces épisodes : guérilla, parachutages, dix avions ont, de mars à août 1944 parachuté, dans la clairière voisine, matériel de guerre et unités venues d’Alger qui utilisaient les bordes, granges qui servaient aux paysans pour abriter animaux et récoltes. Le 7 août 1944 le maquis est encerclé et une seule route sert à évacuer les maquisards. Les représailles sont féroces.

Aujourd’hui cette belle région karstique, trouée de gouffres profonds, où se sont parfois entassés des cadavres de soldats allemands, a retrouvé la solitude. Les grands sapins blancs, les hêtres, les bouleaux verruqueux abritent chevreuils, cerfs et sangliers, chats sauvages et isards. Il n’y a pas si longtemps l’ours, le lynx et le loup hantaient les sous-bois. Peut-être est-ce là même que Jean, fils de l’ours, ravisseur de filles, cachait ses proies ? On sent déjà les Pyrénées proches : avec un enneigement de plus de un mètre par an pendant trois à quatre mois, ces étendues où souffle le cers ne sont qu’une succession de dolines verdoyantes et de barres calcaires. Nous essuyons grain après grain dans notre progression vers Belvis à travers ces hautes futaies noyées dans la brume, la mousse et les tapis de feuilles sèches. Qu’il est agréable de trouver à la fin de la journée une grande maison accueillante et chauffée, un univers sec, sans boue et à l’abri de la morsure du froid…

Au neuvième jour de marche…Sur le plateau de Sault
Le plateau de Sault développe toute l’étendue de sa grande solitude. La Méditerranée s’éloigne, les Pyrénées sont là ce matin, dès que l’on quitte le gîte. Impossible de l’ignorer : dès le départ de Belvis, la pluie fondue, puis, en s’élevant, la neige oblige les marcheurs à courber l’échine sous la cape. Le terrain argileux, souvent labouré par les engins à chenilles des exploitations forestières, n’en peut plus d’absorber toute l’eau du ciel. De grandes rafales de vent balancent des trombes humides. Sans déplaisir, nous laissons le hameau de « Montplaisir », bien mal nommé aujourd’hui, pour gagner par des pistes boueuses et d’improbables métairies, les espaces sauvages du plateau. Bienvenue la neige qui au moins ne mouille guère et magnifie le paysage, le rendant encore plus âpre et sauvage. Le froid est mordant (pas plus de trois degrés ce matin). Réminiscence de ces temps maudits où l’Inquisition fut féroce. Là haut, sur le plateau, vers Comus et Montaillou, elle a poussé les hommes à la délation, fouillant la vie privée, brûlant les hérétiques. A travers prés, vieux arbres fruitiers, clôtures et ruines, malmenés par la rudesse du milieu, nous gagnons l’étroit plateau du Languerail, longeant d’étonnantes haies de hêtres et de hautes futaies, par de sombres sapinières. Déjà on est à près de mille deux cents mètres.

Un grand coup de vent providentiel déchire l’épaisse brume et un coin de ciel bleu, fenêtre ouverte sur ces hautes terres, dévoile un des plus vastes panoramas qu’on puisse imaginer. Devant nous les cimes enneigées du Saint Barthélémy et à droite, enfin entre les nuages, le Pog de Montségur, perché sur son piton rocheux. Trempés mais tenaces nous monterons encore jusqu’à mille trois cent trente mètres au col de Gargante et de Boum d’où nous surplombons les gorges de Frau (l’effroi) qui vues d’ici, à travers les rafales de pluie, méritent bien leur nom. La descente sur Comus, par une météo plus clémente, est comme une récréation à travers de beaux espaces sauvages, verdoyants, découpés parfois en terrasses. L’ancienne école communale aménagée en gîte, sympathique, chaleureuse et biscornue, est animée par la présence accueillante d’Anne qui sait si magnifiquement réconforter les marcheurs transis. Une bien belle étape. Non loin de Comus on trouve la petite station de ski de Comurac et le village de Montaillou. Ce nom sonne familièrement aux oreilles de ceux qui ont lu la lourde monographie, tout entière consacrée au village, d’Emmanuel Leroy Ladurie, celle qui ouvrit, dans les années soixante, le catharisme à la connaissance du grand public. Sous nos yeux, les toits en tôle pour rappeler que nous sommes bien en montagne. La dernière maison de Comus est du reste, celle des « Ariégeois ». Nous rentrons en Ariège sous les giboulées d’avril.

De Comus à Montségur
La dixième étape va assurer la transition entre l’Aude et l’Ariège, entre le Pays de Sault et le Pays d’Olmes, entre les cultures et les forêts. Nous abandonnons les repères familiers du balisage audois pour suivre les plus classiques signes rouge et blanc du GR 107. Nous ne quittons pas tout à fait les cathares, bien au contraire puisque c’est par ce très long parcours qui suit les gorges de la Frau que les « bonshommes » ont fait retraite vers l’Espagne, à travers les Pyrénées jusqu’à Berga. Entaillées dans les calcaires, les gorges sont creusées par l’Hers qui n’est qu’un ruisseau. Plus fréquenté autrefois, ce chemin était emprunté entre Pays de Sault et Pays d’Olmes par les contrebandiers utilisant largement les cavités naturelles des parois pour s’y réfugier. Aujourd’hui on retrouve le goudron et une route plus large au bord du petit torrent à Pelail. En ce tout début de printemps, l’humidité favorise l’éclosion de violettes, crocus et forsythias et si ce n’était la boue omniprésente, la progression serait idyllique et ferait oublier qu’ici les montées sont rarement aisées : souvent courtes (de quatre cents à six cents mètres de dénivelé) mais très raides, car tracées sans ces lacets qui, en montagne, ménagent si bien le souffle et les jarrets. Montségur est longtemps visible et encore lointain, le temps d’une plus longue éclaircie. La forteresse n’est ni la plus impressionnante (rien à voir avec les imposantes murailles de Peyrepertuse), ni la mieux conservée. Mais Montségur est restée dans l’histoire comme le symbole de la résistance cathare. Nous réservons la découverte du Pog pour cet après-midi, sans pluie, enfin. C’est là que s’organisa une petite communauté cathare, accrochée à des terrasses autour du château, réfugiée au-dessus de falaises infranchissables. En une demi-heure d’une montée régulière par des « escaliers d’âne » depuis la stèle des « Cramats » (« les Brûlés ») on rejoint les vestiges accrochés à un site malcommode et dont il reste bien peu de traces matérielles, même si quelques beaux remparts ont été stabilisés et épousent la forme du rocher. La grande tour carrée bien réduite, ouvre un vaste panorama de Lavelanet à Roquefixade et du Languerail à la Frau, d’où nous venons, jusqu’aux avant-cimes pyrénéennes.

Dans ce château chargé d’une grande valeur symbolique, on prend le temps d’entretenir le souvenir. Souvenir des mois de siège de 1244 lorsque au terme de ces journées terribles, pilonnés par les catapultes, affamés, épuisés, les quelques centaines d’hommes et de femmes se rendirent aux assaillants. Le village fortifié fut rasé. Mais on en retrouve les traces au musée qui rassemble, dans le village moderne de Montségur, outils, maquettes, boulets, poteries. Deux cent vingt quatre hommes et femmes périrent dans le bûcher installé au pied du château, fidèles à leur foi. Ce ne fut pas le plus grand des bûchers (celui de Lavaur vit périr plus de trois cents cathares), ce fut sans doute le plus symbolique.

On dit que durant le siège deux hommes réussirent à évacuer le trésor de l’église cathare, sur ce chemin que nous avons partiellement emprunté depuis Port-La-Nouvelle. La nature de ce trésor reste inconnue et contribue à entretenir la légende. « De l’or, de l’argent et une quantité infinie de monnaie », dit l’un des rescapés du siège, le sergent Imbert de Salles, dons et legs de mourants consolés, produits aussi du travail des parfaits et parfaites transférés en Lombardie pour aider les exilés à survivre. Le gîte est glacial, mais le restaurant de qualité et la soirée occupée à penser aux cathares : passage éphémère dans l’histoire que cette hérésie tôt éradiquée. Début quatorzième siècle, deux siècles à peine après son apparition en Occitanie, le catharisme disparaît sous les coups de l’Inquisition, si redoutablement efficace, dans des soubresauts sanglants exercés sur des fidèles, adeptes de la non-violence !

Le Pays d’Olmes
Les Dieux sont bienveillants en ce matin du onzième jour. Les pieds résignés ne se plaignent plus guère. Empreints d’une sagesse stoïcienne, ils semblent appliquer le célèbre précepte d’Epictète : « Supporte et abstiens-toi » (la sagesse des pieds est-elle le préalable ou l’aboutissement de la sagesse de l’âme ?) Le ciel bleu et le grand soleil font grimper le moral au baromètre de l’humeur. Par une belle journée chaude, nous laissons Montségur et le Saint Barthélemy enneigé. Derrière nous, longtemps encore, le pog et ses mystères. Le pays d’Olmes est très nettement pyrénéen. Pyrénéen par les cimes enneigées du Saint Barthélemy à plus de deux mille quatre cent cinquante mètres d’altitude, pyrénéen par une végétation très verdoyante : versants aux hautes futaies épaisses, vallées tapissées de beaux champs cloisonnés de haies d’arbres qui servent de bornage. Mélange de tous les verts : châtaigniers, hêtres, verts profonds, verts tendres en ce printemps naissant. Les chemins, souvent bordés de murets de pierre moussus et de talus instables, restent des fondrières, réservant quelques passages délicats et glissants, quelques gués peu commodes. « Monta cala » diraient les Niçois, « up and down » : on monte, on descend, et on recommence. Les dénivelés sont modestes de prime abord. Pourtant si on s’amusait à totaliser l’ensemble de ces petits dénivelés on serait sans doute surpris.

Roquefixade dévoile bien tard, quasiment à la toute fin de l’étape, au détour du chemin, ses ruines si intimement fusionnées à l’éperon rocheux qui les supporte, que l’on a du mal à faire la part du naturel et du culturel. La citadelle nous nargue, du haut de son perchoir. Si l’on se tourne on peut voir Montségur, posé comme au sommet d’un triangle. Montségur fascine, Roquefixade séduit. Moins de monde, pas de parking à voitures. On accède aux vestiges du château juste derrière le village et c’est tout juste si l’on distingue la pierre du calcaire dressé. La journée est si belle que nous nous délestons d’abord de nos sacs au gîte, en contrebas, pour grimper légers jusqu’au château. On y flâne longuement.

Difficile de s’arracher à ces vues sur la chaîne pyrénéenne et de se détacher de ces beaux toits rouges ramassés de Roquefixade. Le château appartenait à une noblesse largement acquise au catharisme. Le village était une de ces bastides, la bastide de Montfort, si nombreuses en Occitanie. Il s’agissait de villages « francs », libres de taxes seigneuriales, construits sur un plan quadrillé divisé en lots homogènes. Sous la pression démographique des douzième et treizième siècles, ces bourgs qui avaient reçu les « franchises » s’étaient multipliés, provoquant une véritable « faim de terres », responsable de ces grands essarts qui trouèrent les forêts. Dans ces villes neuves, la place publique marquait le coeur de la nouvelle fondation. Ici la place est dotée d’une très étonnante fontaine-abreuvoir.

Il en va ainsi tout au long du voyage : ces châteaux sentinelles, temples et cimetières, à la fois, forment une chaîne. Ils nous ont servi de prétexte le long de ce chemin, ils nous ont surtout aidé à travers leurs ruines et les paysages traversés à faire une redécouverte de l’histoire. Le catharisme n’est ni facile à saisir, ni simple à expliquer. En saurons-nous davantage au retour sur ces cathares ? Peut-être. Mais il est vraisemblable que nous en aurons sans doute encore plus appris sur nous-même que sur ces hommes et ces femmes du passé, car l’interprétation que nous en donnons, la lecture que nous en proposons, est inévitablement un reflet de nous-mêmes, de nos aspirations, de nos rejets et de nos enthousiasmes. Nous aurons certainement un peu appris sur ces hommes et femmes d’aujourd’hui, si brièvement rencontrés, trop hâtivement ou brutalement jugés, fragments de vies le long du chemin. Des gens qui sont nés là, ou qui ont choisi d’y vivre, dans une nature pas toujours facile, une nature si indissociable de son histoire…

Ultime étape……à Foix
Pierre nous précède, tôt ce matin, dans une atmosphère de légère brume ou bruine, selon les moments. Rien de bien méchant mais tout laisse penser que… le pire est à venir. Pluie fine, moyenne, forte enfin, en apothéose, pour l’arrivée à Foix. Quel dommage car le trajet est des plus sauvages. Les montées raides et courtes succèdent à des descentes non moins escarpées et brèves, mais nous sommes bien familiarisés avec ce type de terrain, montées et descentes glissantes, collantes, gluantes, d’une glaise épaisse où le randonneur opiniâtre fait tant bien que mal son chemin. Nous avons perdu notre timidité première et depuis le mémorable baptême du bourbier à vaches où glaise, bouse et eau se fondaient en un superbe amalgame, nous n’avons plus aucune crainte à patauger dans des passages spontanément peu engageants. Peut-être même qu’avec le temps ces terrains détrempés finiraient par devenir familiers, leur absence susciterait un manque et les terrains secs provoqueraient probablement une aversion définitive ! Freud n’affirme-t-il pas que le plaisir de malaxer la boue, de s’y plonger, immerger, est associé à des plaisirs primitifs ! D’ailleurs nul n’ignore que les bains de boue font partie des thérapeutiques les plus traditionnelles et les plus constantes du monde humain et animal !

Le bois royal de Pradières étire ses kilomètres de piste forestière. Cette dernière, encadrée de hêtres fantomatiques dans une atmosphère ouatée et irréelle, a le mérite d’être plus sèche que les sentiers. Foix se mérite après une longue et glissante descente. Entre les croupes boisées couvertes de buis et de taillis épais, on devine la ville, plus qu’on ne la voit, à l’occasion de belles échappées.

Les ruines mélancoliques de Lech de Naut ramènent à ce sentiment d’abandon et de vide que l’on retrouve si souvent dans les campagnes ariégeoises. L’Ariège ne compte plus que cent mille habitants, dont seulement huit mille à Foix. La grande diagonale du vide et de la désertification des campagnes qui prend le centre du pays en écharpe passe et démarre dans l’Ariège, au sud-ouest. C’est dans le paysage de villages aveugles aux volets clos que la nature retrouve ses droits. La désertification des campagnes n’est pas une expression vide de sens. Pour le randonneur, en cette saison creuse, c’est le plaisir solitaire de traverser des espaces oubliés, revenus à la nature, où seuls les animaux, pas toujours visibles, sont attentifs à nos pas. Pierre a vu un cerf et des chevreuils. Nous sommes sans aucun doute trop bavards. Et l’ours ? On en parle, pas seulement dans la légende. Enfin Foix et son beau château. La ville nous semble harmonieuse, apaisante, à taille humaine, mais quel déluge !

Merci à Pierre et à sa femme d’avoir permis aux randonneurs trempés à l’arrivée à Foix de rejoindre Saint Paul de Jarrat où nous attend notre voiture.

Difficile après une telle coupure du monde de revenir brutalement au réel : nous décidons de prolonger le voyage, autrement cette fois, en rejoignant Montségur pour y passer la nuit, plutôt que de rentrer aussitôt. Sans doute nous aussi, inconsciemment, avons succombé à la fascination du lieu, le seul où l’on peut toucher le quotidien des « bonshommes » et de leurs fidèles. La fuite commence à Montségur. Rêve abouti pour nous qui allons faire durer une journée encore le plaisir en « refaisant » à l’envers, et en voiture, le trajet suivi à pied ces douze derniers jours, en cherchant à rester au plus près des chemins empruntés. De château en village, pèlerins motorisés nous revoyons les lieux chargés aussi de notre histoire et incorrigibles marcheurs aux corps battus vainqueurs de nos vieilles mais fidèles carcasses, nous ne songeons qu’à repartir. Par delà les maux transcendés, écoutons la petite voix qui nous extrait de nous-mêmes pour aller vers l’ailleurs, pour aller vers la nature et vers les autres encore et encore… A suivre…